La lettre de Guy Môquet

Publié le par Céline MARTIN

Voici la lettre de Guy Môquet qui sera lue aux lycéens le 22/10/07 . Vous trouverez ci- dessous des informations contextuelles vous permettant d'identifier les enjeux que représente cette lettre dans la construction de la mémoire collective française.

Châteaubriant le 22 octobre 1941

 
   Ma petite maman chérie
   Mon tout petit frère adoré
   Mon petit papa aimé

      Je vais mourir ! Ce que je vous demande, à toi en particulier petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon cœur c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean (1), j'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino (1). Quant à mon véritable (2) je ne peux le faire, hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge qui je l'escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman bien des peines, je te salue pour la dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.

      Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie, qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

      17 ans et demie ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin (3), Michels (4). Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.

      Je ne peux pas en mettre davantage, je vous quitte tous, toutes, toi maman, Séserge, Papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant. Courage !

                                                 Votre Guy qui vous aime.

Guy          

(1) : Jean Mercier,  Roger Semat et  Rino Scolari étaient des jeunes communistes détenus dans la même baraque que Guy Môquet, et avec lesquels il s'était lié d'amitié
(2) : Serge était le frère cadet de Guy Môquet
(3) : Jean-Pierre Timbaud, militant communiste, secrétaire du syndicat CGTU des métallurgistes parisiens, est allé au poteau d'exécution en criant : « Vive le parti communiste allemand ».
(4) : Charles Michels, secrétaire du syndicat CGTU parisien des cuirs et peaux et député communiste de Paris a déclaré aux SS qui l'emmenaient à la clairière pour y être fusillé : « Vous allez voir comment meurt un député français ».

Qui était Guy Môquet ?

   Guy MÔQUET, né le 26 avril 1924, était le fils aîné de Prosper MÔQUET, un cheminot, responsable syndical à la CGTU et député communiste, élu en 1936 dans le XVIIe arrondissement de Paris ( quartier des Épinettes ) 
   Il est dès son jeune âge
membre des Pionniers
, organisation de jeunesse du Parti communiste français.
   
   
Le 26 septembre 1939, après la signature du pacte de non-agression germano-soviétique d'août 1939, le PCF est dissous. Prosper MÔQUET est arrêté en octobre 1939, déchu de son mandat de député, et condamné en avril 1940 à 5 ans de prison. En mars 1941
, il est déporté au bagne de de Maison-Carrée en Algérie.
   
   
Élève au lycée Carnot, Guy MÔQUET quitte cet établissement parisien après l'arrestation de son père et se réfugie avec sa mère Juliette et son petit frère Serge chez ses grands-parents paternels à Bréhal, commune du département de la Manche située au Nord de Granville, puis il rentre seul à Paris et milite activement au sein des Jeunesses communistes réorganisées clandestinement. Il colle des papillons et distribue des tracts qui, conformément à la ligne du PCF des débuts de l'Occupation, fustigent davantage le régime de Vichy que l'occupant nazi.  

   
   Le 13 octobre 1940
, Guy MÔQUET, alors âgé de 16 ans, est arrêté sur dénonciation à la station de métro Gare de l'Est par des policiers français et incarcéré à la prison de Fresnes.
  
   Bien qu'
acquitté le 23 janvier 1941 par la 15e chambre correctionnelle de Paris qui décide de le placer en liberté surveillée, il tombe sous le coup d'un arrêté d'internement administratif qui le maintient en détention, et il est transféré successivement à la prison de la Santé à Paris, puis à la centrale de Clairvaux dans l'Aube, et enfin à partir du 16 mai 1941, au camp de Choisel à Châteaubriant en Loire-Inférieure ( Loire-Atlantique actuelle ), où il est détenu dans la baraque 10
, la baraque des jeunes

Après l'invasion de l'Union soviétique par la Wehrmacht en juin 1941, le PCF engage toutes ses forces dans la résistance à l'occupant nazi et appelle à la lutte armée.

   À la suite de l'exécution par un jeune communiste le 20 octobre 1941 du lieutenant-colonel Fritz HOTZ, Feldkommandant de Nantes, Guy MÔQUET, malgré son jeune âge –  il n'a que 17 ans – fait partie des otages, choisis à Nantes et à Châteaubriant avec le concours de l'administration française de Vichy, placée sous l'autorité du ministre français de l'Intérieur, Pierre PUCHEU
.
.
   Dans un ouvrage publié
en 1997, Bernard LECORNU, à l'époque sous-préfet de Châteaubriant, et qui servit sur place –  non sans une certaine ambiguité souligne l'historien Jean-Pierre AZÉMA –  d'intermédiaire entre les autorités allemandes d'occupation et le ministère de l'Intérieur, souligne en particulier le rôle joué avec beaucoup de zèle par CHASSAGNE, un membre du cabinet du ministre PUCHEU, dans l'établissement de la liste des otages de Châteaubriant.

   Les 27 otages, tous communistes, choisis parmi les détenus du camp de Choisel, sont fusillés le 22 octobre 1941 par les Allemands dans la carrière de la Sablière à Soudan, commune située à un kilomètre de Châteaubriant.
   Durant tout le trajet dans les camions, les otages n'ont pas cessé de chanter
L'Internationale, La Marseillaise et Le Chant du départ
.
   Ils ont refusé qu'on leur bande les yeux, se sont placés d'eux-mêmes devant les poteaux d'exécution et ont crié avant chaque salve
« Vive la France »
.

   
Dès 1944, Guy MÔQUET a été cité à l'ordre de la nation par le général
DE GAULLE.
   
   D
e son côté, le PCF qui se présentait comme « le parti des 75 000 fusillés » n'a pas manqué de glorifier le sacrifice des « martyrs de Châteaubriant », dont un certain nombre, comme Guy MÔQUET, avaient été arrêtés dès le début de l'Occupation, afin d'effacer le trouble que pouvait provoquer la ligne pour le moins ambigüe adoptée par ses dirigeants au cours de l'été 1940

   Inauguré en 1950, le mémorial de Châteaubriant a été érigé à l'initiative de l'Amicale de Châteaubriant Voves-Rouillé à l'emplacement de l'exécution, au lieudit « Le champ de la Sablière ».

Pour en savoir plus
http://www.crdp-reims.fr/memoire/informations/actualites/22_octobre.htm#guy_moquet
ou lire d'autres textes qui feront écho à celle de Guy Môquet
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2007/30/MENE0701517N.pdf
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